S’émanciper d’une maison hospitalière (étude 2017)
Auteur : Olivier Croufer, animateur au Centre Franco Basaglia
Résumé : S’élever à l’imaginaire qui inspire les pratiques et les gestes quotidiens est ardu, surtout quand les problèmes existentiels sont devenus si lourds à vivre qu’ils appellent à trouver des solutions sans tarder. La pratique prend alors le dessus, vite orientée vers des objectifs normaux. C’est pourtant à ce niveau du « normal », de la représentation largement partagée de ce qu’il s’agit de faire pour vivre ensemble, qu’il est fondateur de s’interroger. Partant d’une Maison-institution et de ce qui s’y déroule au quotidien, nous avons essayé de déployer une parcelle d’un Imaginaire commun en racontant comment un être devient davantage humain à partir de trois aspirations :vivre une éthique de l’hospitalité, se redécouvrir dans des libertés d’accomplissement et expérimenter des émancipations.
Temps de lecture : 2 h
Introduction
« Chez moi, l’écriture, j’ai toujours eu un blocage. Dans mon autoflagellation, j’aurais tendance à dire que je ne sais pas écrire. Je suis à deux doigts d’être analphabète. Ce sont des blocages. Ici, il n’y a aucun jugement, si vous faites des fautes d’orthographe, si la grammaire n’est pas vraiment juste. Il n’y a aucun jugement là-dessus. Donc ça permet de te libérer. De libérer la parole. De libérer ce qu’on a en soi à travers une feuille blanche. »
Comment rendre compte de ce genre d’expérience ?
Le « ici » d’où parle cette personne est une Maison1. C’est le terme qui a été préféré. Il désigne assez précisément la réalité dont il s’agit. Mais il faudrait préciser Maison-institution. Ses hôtes sont inspirés. Par un imaginaire de valeurs et d’aspirations idéelles qui à la fois stabilisent et permettent de réinventer des pratiques et des gestes quotidiens. Nous avons cherché à raconter ce qui s’y passe en reliant sans cesse ces deux plans, celui des inspirations imaginaires et celui des pratiques qui les mettent en oeuvre.
Alors, quelles pourraient être les inspirations imaginaires de cet hôte de la Maison que nous venons de citer ? Une liberté, puisque c’est le mot qu’il a utilisé ?Une émancipation puisque cette liberté a permis de déverrouiller les blocages que des jugements scellaient ? Et dans le « Ici, il n’y a aucun jugement » ne pourrions-nous pas déceler le coeur vivant d’un geste d’hospitalité ? Partant de la Maison où ces paroles ont été prononcées, plusieurs histoires étaient possibles. Nous avons alors voyagé entre des paroles glanées dans la maison et des mises en texte discutées avec les hôtes. Ce texte est le résultat de ces allers-retours qui ont duré plusieurs années. Les paroles qui sont ici restituées ont été reprises de séances collectives qui annonçaient chaque fois ce travail d’écriture. Nous avons choisi d’effacer qui en étaient les auteurs. Cela permet de les élever au-delà des corps qui les ont prononcées. Ces paroles sont en italique dans le texte.
L’ensemble a été organisé à partir des inspirations, de l’imaginaire qui inspire les mises en oeuvre. Nous avons cherché à élever ces aspirations à niveau suffisamment universel pour qu’elles puissent inspirer d’autres Maisons, d’autres institutions et raconter un imaginaire qui puisse insuffler des façons de vivre en société. Le premier chapitre s’intéresse à l’hospitalité de la Maison et comment elle permet de dessiner une éthique qui met en forme les sensibilités et les gestes d’humanité quotidiens. Le deuxième chapitre cherche à raconter une liberté d’accomplissement qui permet de se redécouvrir à partir des activités productives et créatrices de la Maison. Le dernier chapitre quitte la Maison et pose les questions d’une enquête qui serait à mener pour éprouver les émancipations possibles à partir et au-delà de cette Maison originelle.
1. Cette Maison est située rue Maghin 76, à Liège. Elle est connue sous le nom de Revers. Plus d’informations sur www.revers.be
Table des matières
Chapitre 1 – Vivre une éthique de l’hospitalité
- Le charme des qualités des hôtes
- Une aération dans l’intériorité des hôtes
- L’invitation à des gestes d’humanité
- Première inspiration
Chapitre 2 – Se redécouvrir une liberté d’accomplissement
- Une liberté comme expérience sociale
- La production d’objets culturels
- Une liberté pour chacun
Chapitre 3 – Expérimenter des émancipations
- L’émancipation comme enquête
- Différenciation
- Consistance
- Interactions
- Histoire
- Exploration