Bibliographie : reconnaissance et émancipation
Quelques auteurs inspirants pour poursuivre au-delà du récit « Reconnaissance et émancipation » de notre étude « Mais où s’en va la vie ? ».
Les notions de reconnaissance et d’émancipation demandent un climat favorable pour pouvoir éclore. Un travail de climatisation est donc nécessaire afin de cultiver des espaces viables, des possibilités de participation et des voies de circulation permettant tous les itinéraires pour les identités fortes ou vulnérables qui arpentent notre monde.
Climatisation
La climatisation interroge les atmosphères dans lesquelles nous vivons. Sont-elles chaleureuses ? Le climat est-il rude ? Car le quotidien se colore aussi en fonction des climats. Notre manière d’aménager le monde, nos villes, nos quartiers…crée des microclimats qui se révèlent tour à tour accueillants pour tous ou excluants pour certains.
- Martucelli D., La Société singulariste, Paris, Éditions Armand Colin, « Individu et société », 2010.
Nos sociétés sont marquées aujourd’hui par de multiples processus de singularisation. Ce nouvel idéal s’exprime partout et peut être rendu par l’injonction faite à tous « d’être soi-même ». Mais ce nouveau fait social déstabilise profondément les approches traditionnelles du social et de la politique. L’auteur cherche ici à établir une nouvelle articulation entre les enjeux collectifs et les épreuves des individus afin, rien de moins, que d’établir une sociologie pour les individus.
Pour les gens pressés, l’auteur a résumé l’ouvrage :
Martucelli D., « Grand résumé de La Société singulariste, Paris, Éditions Armand Colin, coll. individu et société, 2010 », SociologieS, Grands résumés, La Société singulariste.
- Caillé A. (sous la dir. de), La quête de reconnaissance, nouveau phénomène social total, Paris, La Découverte, 2007.
Dans des sociétés où les identités singulières cherchent à s’affirmer, la question de la reconnaissance devient centrale. Ce livre pose une question importante : pouvons-nous tous être reconnus, et reconnus à égalité dans nos singularités ? Une réponse est esquissée dans l’introduction en libre téléchargement. De nombreux auteurs sont invités à développer leur pensée. À lire, entre autres, l’article d’A. Caillé, Reconnaissance et sociologie, où cette discipline devient un outil qui interroge cette aspiration contemporaine à la reconnaissance qui remplace peu à peu la lutte collective pour la redistribution de la richesse.
- Fraser N., Qu’est-ce que la justice sociale. Reconnaissance et redistribution, Paris, La découverte, 2011.
Ici, c’est la philosophie politique qui est invoquée pour analyser la question de la reconnaissance. L’enjeu n’est plus simplement l’analyse d’un fait de société mais bien d’interroger la compatibilité et l’articulation de ce nouveau « fait social » qu’est la demande de reconnaissance avec l’engagement traditionnel de la gauche en faveur de l’égalité économique et sociale. Résumé en une question simple, cela donne ceci : « Peut-on être égaux si on est tous différents ? ».
- Dans un article du journal Le Monde du 28.09.12, Une morale pour temps précaires, la philosophe Judith Butler s’interroge sur comment vivre une vie bonne quand les conditions sont difficiles. Et d’abord, qu’est-ce qu’une vie bonne exactement ? À lire sur le site du Monde.
Identité
Notre société devient singulariste, c’est-à-dire que les grandes identités collectives (nations, religions, classes sociales, …) s’effacent peu à peu devant l’exigence de reconnaissance des particularités qui font de chacun un être singulier. Qu’est-ce que ce changement implique pour une lecture du monde et des faits sociaux ? Quelles conséquences pour les individus ? Ces quelques livres peuvent nous aider à y voir plus clair.
- Maalouf A., Les identités meurtrières, Le livre de poche, 2001.
Dans ce livre devenu un classique, Amin Maalouf interroge les besoins d’appartenance qui forgent nos identités. Ces identités sont-elles données ou construites ? Sont-elles figées une fois pour toutes ou en perpétuel remodelage ? Contre les illusions et les instrumentations dont les identités font souvent l’objet, il démontre qu’un humanisme ouvert est possible.
- Goffman E., Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, 1963 ; traduit de l’anglais par Alain Kihm, Éditions de Minuit, coll. « Le Sens Commun », 1975.
Le stigmate est un marquage des hommes. Il y a ceux qui sont normaux et ceux qui ne le sont pas (noirs, malades mentaux, homosexuels, juifs, alcooliques…). Erving Goffman interroge ce marquage qui assigne des places aux hommes.
- Le Blanc G., Vies ordinaires, vies précaires, Paris, Éditions du Seuil, 2007.
La précarité bouleverse les normes sociales. Guillaume Le Blanc nous raconte ici l’histoire des sans voix, des inutiles, des surnuméraires de notre société de compétition. Et s’ils avaient des choses intéressantes à nous dire, des histoires à raconter, pour construire une société décente ?
Et pour compléter, voici un article qui relate justement quelques-unes de ces histoires :
- Weller J.-M., « Usagers, comme ils disent (Entretien réalisé par Stany Grelet) », dans Vacarme, n° 12, 2000.
- Le Blanc G., Que faire de notre vulnérabilité ?, Paris, Bayard Édition, 2011.
Quelle place pour les exclus dans notre société ? Quelles possibilités de parler et d’agir dans notre démocratie. Guillaume Le Blanc s’efforce de redonner une voix à ceux qui en sont privés. - Dans cet article, Soi-même comme un étranger, La pensée de midi, n° 24-25, 2008 pp. 125-135, Guillaume Le Blanc continue à nous parler des exclus, des méprisés. Il s’interroge sur ce qui donne ou retire la qualité d’humain à un individu et sur les conditions qui lui permettent ou non d’agir et d’appartenir à un monde plus vaste que lui-même.
Parce que la maladie mentale fait peur et est encore trop souvent associée dans les esprits à la dangerosité, voici un rapport qui objective un peu la situation :
- Dangerosité psychiatrique : étude et évaluation des facteurs de risque de violence hétéroagressive chez les personnes ayant une schizophrénie ou des troubles de l’humeur, Haute Autorité de Santé, 2010.
La maladie mentale draine encore aujourd’hui son lot de représentations négatives qui mènent à la stigmatisation des personnes. Ces documents permettent une meilleure compréhension de ce phénomène et donnent des pistes pour lutter contre la stigmatisation.
- Jean Luc Roelandt, Aude Caria, Imane Benradia y Simon Vasseur Bacle, De l’autostigmatisation aux origines du processus de stigmatisation. À propos de l’enquête internationale « Santé mentale en population générale : images et réalités » en France et dans 17 pays, in Psychology, Society, & Éducation 2012, Vol.4, Nº 2, pp. 137-149.
- Association québécoise pour la réadaptation psychosociale, La lutte contre la stigmatisation et la discrimination associées aux problèmes de santé mentale au Québec, 2014.
Participation
Être humain, c’est faire œuvre, c’est pouvoir participer à une vie plus vaste. Faire entendre sa voix dans la démocratie, travailler, construire des savoirs, faire profiter les autres de son expérience sont des revendications importantes pour les personnes qui ont des problèmes de santé mentale.
- Payet Jean-Paul, Giuliani Frédérique et Laforgue Denis (Sous la dir. de), La voix des acteurs faibles. De l’indignité à la reconnaissance, Presses universitaires de Rennes (PUR), coll. Le sens social, 2008.
Il est difficile de faire entendre sa voix quand on est disqualifié. Ce livre propose le concept « d’acteur faible » pour penser l’autonomie de ceux qui sont pris dans des relations asymétriques de dominance avec les institutions
Un article examine ce nouveau phénomène qu’est la prise de parole des usagers de la santé :
- Lascoumes P., L’usager, acteur fictif ou vecteur de changement dans la politique de santé ?, dans Les Tribunes de la santé, 2003/1.
- Hirschmann A. O., Exit, voice, loyalty. Défection et prise de parole, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2011.
De quels moyens dispose-t-on pour exprimer son mécontentement ? Albert Hirschmann en examine deux : la défection (exit) et la prise de parole (voice). Fuir ou agir de l’intérieur ? Ces deux solutions peuvent être mises en œuvre dans des institutions variées : partis politiques, associations, administrations, mariage… Les étudier permet donc d’éclairer les phénomènes sociaux, politiques et même éthiques, d’une lumière nouvelle. - Nicolas-Le Strat P., Moments de l’expérimentation, Editions Fulenn, 2009.
Des acteurs socio-économiques expérimentent, en pratiques et en pensée, de nouvelles manières de concevoir les institutions et de les gouverner. Ils interrogent ainsi les manières dominantes de faire société. Ce livre explore certaines de ces expérimentations.
Un article intéressant explore également ces questions :
- Citton Y., Foules, nombres, multitudes : qu’est-ce qu’agir ensemble ?, La Revue Internationale des Livres et des Idées, 01/06/2010.
- Blairon, J., Le métier d’« expert » de vécu. Apports, limites et conditions, Intermag, novembre 2013.
L’asbl « De link » dispense une formation de quatre ans permettant à des personnes qui ont vécu la grande pauvreté de devenir « expert du vécu » et d’être engagées professionnellement dans des administrations ou des associations pour y exercer des fonctions relatives au contact avec les populations très précarisées. Retour et interrogations sur cette expérience.
Parce que le travail est le premier vecteur pour participer à la vie en société :
- Pierre Moreau, Quelle politique d’insertion dans les centres d’insertion professionnelle ? (I)
- La Revue Nouvelle, Les politiques d’insertion professionnelle, janvier 2009
Des rapports examinent aussi cette question de la participation :
- Becher K., Vandenbroeck P., Wouters A., Les patients, partie prenante de la politique des soins de santé. Faire entendre d’autres voix, Bruxelles, Fondation Roi Baudouin, février 2008.
- Leys M., Reytens S., Gobert M., La participation des patients dans la politique des soins de santé. Revue de la littérature et aperçu des initiatives internationales et belges, Bruxelles, Fondation Roi Baudouin, octobre 2007.
- Denis A. & Teller M., Leviers pour une meilleure participation des patients. Nouvelles pratiques et possibilités de reconnaissance et de financement, Bruxelles, Fondation Roi Baudouin, septembre 2011.